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Compass : David contre Goliath se rejoue dans le désert algérien

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Hassi MessaoudDans les dunes à 850 kilomètres au sud est d’Algers, Eurest Support Services, sous-traite la restauration et l’hébergement des ouvriers des champs pétrolifères de Hassi Messaoud pour des compagnies telles que Schlumberger, Halliburton, Repsol, BP, Ciepsa, Burlington
au total, une vingtaine de multinationales.
La filiale de Compass renommée pour son implication dans le scandale des achats des Nations Unies, emploie 1 900 salariés en Algérie dont un millier sont syndiqués à l’UGTA. Comme partout dans le monde, ils sont parmi les moins payés et les moins biens considérés. Les salaires sont de l’ordre de 18 000 dinars par mois (environ 185 €). Mais ici, le soir venu, on ne rentre pas chez soi. On est obligé de quitter sa famille pour venir travailler dans la forteresse pétrolière où l’activité est continue, jour et nuit.
Les conditions d’hébergement, de nourriture et d’hygiène sont déplorables. Insuffisamment de lits ou de couvertures à partager entre les salariés au repos. Ceux qui assurent la relève sont obligés de passer à la direction avant de connaître leur chantier d’affectation du jour. Mais au-delà, ce sont les brimades et le mépris des expatriés de la direction qui sont les plus intolérables.
Las de ces conditions, Yassine Zaid, 36 ans, Superviseur de Sécurité, décide avec quelques camarades de créer une section syndicale d’entreprise.
Yassine ZaïdESS refuse catégoriquement de la reconnaître ou de la laisser se réunir dans ses locaux. Elle est donc constituée le 21 décembre 2006 en toute légalité dans les locaux de l’union locale de l’UGTA. Réunis en Assemblée Générale, les adhérents élisent Yassine comme Secrétaire général de la section syndicale.
Employé modèle depuis quatre ans – il a reçu une prime de mérite la veille de l’A.G. – à compter de ce jour, pour lui, les ennuis commencent.
Eurest refuse tout contact avec la section syndicale et déclare la guerre à son Secrétaire général. Le directeur des opérations nie tous les droits de la section syndicale et fait savoir aux employés, et plus spécialement aux plus précaires d’entre eux, que ceux qui défendront leurs droits sociaux en payeront le prix. Les courriers et les demandes d’entretien pour obtenir un bureau et un panneau d’affichage pour la section syndicale restent lettre morte.
La répression anti-syndicale est foudroyante. La direction exerce des pressions assimilables à du harcèlement moral visant à réduire au silence toute expression sur le lieu de travail. Les plus vulnérables retirent leur soutien
Dans cette enceinte de haute sécurité où les visiteurs munis d’un laissez-passer mettent un quart d’heure à franchir les postes de sécurité, la direction peut se permettre de bafouer ouvertement le Code du travail.
Appelés en vue de faire respecter les lois, deux Inspecteurs du travail sont reçus par des insultes et l’arrogance. Ils dressent procès-verbal. L’affaire doit être entendue prochainement devant les tribunaux.
« Vous, les algériens, vous ne méritez pas l’indépendance ! » lance le directeur opérationnel, d’origine belge et de nationalité française, lors d’une soirée dans les locaux de Schlumberger. Propos qui lui valent une interdiction de séjour chez le client exigée par le syndicat de cette entreprise et des poursuites en justice. Le 1er juillet 2007, le Procureur Général de Hassi Messaoud réclame 3 mois de prison ferme et une amende conséquente à son encontre. Mais 15 jours plus tard, il écope à la surprise générale d’une amende de 50 000 dinars.
Dans le dernier épisode, la direction monte une affaire avec des témoignages douteux où le Secrétaire général aurait insulté une responsable hiérarchique. Il est mis à pied sans autre procédure. Privé de travail et de salaire depuis maintenant 4 mois, éloigné de 500 kilomètres de sa famille, Yassine est confronté à un choix difficile : rejoindre son épouse ou défendre l’honneur et la dignité de ses camarades.
Il mérite tout notre soutien !