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Compass/Eurest : le Far West dans le désert algérien !

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En décembre 2006, un certain nombre d’employés d’Eurest Support Services à Hassi Messaoud, une ville « fortifiée » d’exploitation pétrolière au milieu du désert algérien ont décidé de créer une section syndicale pour lutter contre l’injustice dont ils se sentaient victimes. En regardant ces photos, vous comprendrez leurs motivations !

Hassi Messaoud vu de loin © Michel Dor - Tous droits réservés

Saisi d’une demande de l’UGTA, Eurest a refusé, contrairement au droit algérien, de permettre l’organisation d’une assemblée des salariés dans ses locaux.
Le Syndicat a donc décidé de tenir cette assemblée dans ses propres locaux à Hassi Messaoud. Ainsi, le 21 décembre 2006, la section syndicale UGTA d’Eurest est officiellement née. L’Assemblée générale a élu un Conseil syndical de sept personnes ainsi que son exécutif dont un Secrétaire général, un adjoint et un Trésorier. Un procès-verbal est dressé et toujours conformément au droit algérien, présenté au Directeur des opérations d’Eurest, M. Bill Joel. Celui-ci refuse de l’accepter de la main du Secrétaire général fraîchement élu, et explique que le DRH ou son adjoint, juriste, sont seuls compétents pour y donner suite.
Malgré des assurances sur la volonté d’entamer un dialogue social et de la résolution des conflits par la médiation, ces derniers ont également refusé de prendre en main le procès-verbal de constitution de la section syndicale. Relevant selon eux de la seule compétence du Directeur des opérations, ils ont promis d’organiser un rendez-vous dont la date est toujours attendue.
Des courriers demandant des entretiens, la mise à disposition d’un panneau d’affichage puis d’un local syndical, restent sans réponse. La direction interdit à son secrétariat de réceptionner des courriers provenant de la section syndicale et/ou de ses représentants.
Le DRH va jusqu’à rapporter l’ensemble des courriers reçus au Secrétaire général en lui intimant qu’Eurest n’acceptera jamais l’installation d’un syndicat en son sein. L’état algérien lui poserait déjà suffisamment de problèmes que la société préférait se retirer du pays ! Ces propos ont été relayés auprès des salariés : « ces expats qui fournissent vos emplois en ont ras-le-bol, ils vont faire leurs valises et vous serez tous au chômage ».
L’UGTA saisit l’Inspection du Travail. La direction nie avoir connaissance de la création d’une section syndicale et prétend que la signature de réception du procès-verbal d’installation est un faux. Les Inspecteurs du travail, afin d’éviter toute mésentente, se sont alors déplacés pour remettre en main propre les documents et expliquer la législation en vigueur aux dirigeants « expats » d’Eurest qui auraient pu avoir légitimement mal compris. Ils ont été surpris par des insultes et des injures à tel point qu’ils ont cité les auteurs devant la justice.
A partir de ce moment, des pressions sont exercées quasiment tous les quarts d’heure 24 heures sur 24 sur le Secrétaire général (souvenez vous des rythmes de travail 6 semaines « on » 3 semaines « off »). Le DRH, un égyptien qui vit en contradiction avec ses croyances religieuses, s’emploie à convaincre les membres connus de la section syndicale qu’il détient des dossiers très répréhensibles contre les uns et les autres. Mais ce n’est pas assez pour Bill Joel qui le tient responsable de la création de la section ; il aurait dû « tuer la bête dans l’œuf ». Finalement, le DRH démissionne.
Alors, l’ennemi n° 1 du Directeur des opérations, devient le DRH actuel moyennant 20 000 dinars/mois (environ 200 €), en jurant qu’il fera disparaître la Section syndicale. Pour couvrir ses arrières, il entreprend la démarche inverse, renseignant la section syndicale sur des opérations supposées illicites du Directeur des opérations qui dirigerait d’autres sociétés tout en étant salarié d’Eurest. « Quelqu’un qui, voyant un ami à genoux, l’aide à se lever pour mieux le jeter à terre » comme on dit en Algérie.
Petit à petit, la direction fait craquer les membres du bureau de la section syndicale. Les uns démissionnent sous la pression, d’autres renoncent sous la menace du non renouvellement de leurs contrats et d’autres acceptent de monnayer leur promotion. Parce qu’à Eurest, parmi 1 900 employés précaires il n’y a que 56 permanents !
Le 17 avril 2007 à 4h30 du matin, une relève doit prendre le départ du chantier BP Inamenas dans le désert au sud est de Hassi Messaoud. Le « Camp Boss » a prévu 4 morceaux de fromage, une petite boite de ton et une bouteille d’eau pour restaurer les 8 occupants du 4/4 durant leurs 14 heures de trajet. Le Superviseur de sécurité qu’Eurest refuse toujours de reconnaître comme Secrétaire de la section syndicale, doit approuver ce départ.
Impossible ! Il intervient respectueusement pour demander un rajout aux rations prévues pour ces employés qui doivent parcourir 870 kilomètres de route en très mauvais état. Malgré les exhortations du représentant du personnel, le « Camp Boss » refuse d’en faire davantage. Un épisode qui lui a sans doute choqué puisqu’il lui a fallu deux semaines pour aller déposer plainte au Commissariat.
De cet incident, la direction monte une procédure pour faute professionnelle. Elle engage illégalement et sans prévenir l’union locale UGTA comme l’exige la loi, une procédure disciplinaire à l’encontre de son délégué.
Abdelmajid Sidi Saïd, Secrétaire Général de l'UGTA

Art.54. En cas de manquement, par un délégué syndical, aux dispositions de l’article 52 ci-dessus, une procédure disciplinaire peut être engagée à son encontre par son employeur, l’organisation syndicale concernée préalablement informée.

Eurest a mis plus de deux mois pour prononcer une sanction où normalement trois jours sont le maximum légal. Le Secrétaire général est mis à pied indéfiniment sous prétexte du dépôt d’une plainte en pénal. Pendant plus de 5 mois, plus aucune nouvelle de cette affaire !
Aujourd’hui, l’UGTA a décidé d’en découdre avec Eurest et de faire réintégrer son représentant en son emploi. L’union régionale comme l’instance nationale, en la personne de son Secrétaire Général, Abdelmajid Sidi Saïd, se sont emparés de cette affaire et entendent faire respecter le droit des travailleurs algériens face aux mastodontes multinationaux.
Notre syndicat se place résolument à ses côtés !
Source : UGTA